artisanat

L’alliance de la potière avec le forgeron

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Potières du village de Motiamo et forgeron du village de Koni

Chez les Sénoufos les tâches sont bien définies. Même si le domaine d’activité prédominant est l’agriculture et l’élevage, je tiens, dans cet article, à consacrer une place importante au travail artisanal et en particulier au couple forgeron-potière. Les femmes jouent un rôle essentiel au sein du noyau familial, tandis que les hommes jouent un rôle plus déterminant sur le plan financier. Les artisans forgerons ont leur renommée chez les Sénoufos, ils fabriquent d’ailleurs une multitude d’outils agricoles. Dans chaque village, ils forment un clan. Le métier de la forge est réservé aux hommes, alors que celui de la poterie est réservé aux femmes. Ainsi, toute femme de forgeron ou issue d’un clan de forgeron fabrique des poteries. Certains groupes d’artisans ont une plus grande renommée que ceux d’un autre village et leurs productions dépassent les frontières de la Côte d’Ivoire.

En premier lieu, la poterie sert à la fabrication d’ustensiles de cuisines. On parle de « polymorphie » pour définir les différents objets fabriqués, que les femmes utilisent pour la cuisine. Les grandes jarres contiennent toutes les préparations liquides, surtout l’eau et le dolo, qui est une bière locale mélangé à du sorgho ou à du mil, et servent aussi à conserver les aliments, le riz par exemple. Les jarres plus petites sont souvent utilisées pour transporter l’eau à courte distance. Il existe aussi des objets spécifiques à certaines préparations: des bassines pour préparer le dolo, les passoires pour la soumbala, qui est une épice forte appréciée en Afrique, les abreuvoirs pour cuisiner la volaille et enfin des canaris pour fumer la viande ou le poisson. Des commerçants étrangers aux villages viennent plusieurs fois par an acheter des stocks d’ustensiles pour les revendre sur les marchés des grandes villes.

Au-delà de son aspect pratique, la poterie est utilisée pour créer des accessoires de cultes qu’on utilise lors des cérémonies de mariages et des rites funéraires. Selon la mythologie Sénoufo, c’est une divinité féminine qui avec la terre a modelé les hommes et les objets. Elle protège les activités agricoles et de poterie et elle préside les cérémonies du Poro. C’est pour cela que le travail de la poterie est réservé aux femmes.

Lorsque les femmes partent pour extraire l’argile dans un site, elle doivent sur le lieu d’extraction, faire une offrande à la divinité afin qu’elle les protège des dangers du travail et les garantisse du succès de la fabrication. Le chef du clan les accompagne et sacrifie un animal sur le lieu de l’extraction. Lorsque la cérémonie est terminée, les femmes utilisent des pioches et des calebasses pour retirer l’argile, qu’elles transportent ensuite dans des paniers en bois. Dans la tradition, il est interdit d’extraire l’argile et de se rendre sur le site le lundi et le vendredi.

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Extraction d’argile pratiquée par deux femmes

Une fois arrivée au village, l’argile est séchée à l’air libre puis baignée dans de l’eau. Le lendemain, les femmes la retirent de l’eau et commencent à la pétrir avec le pied droit, car il est interdit d’utiliser le pied gauche. La potière pile les morceaux d’un vieux pot pour obtenir une fine poudre tamisée en guise de dégraissant. Une fois pétrie, la pâte est placée dans un canari puis à nouveau travaillée mais cette fois à la main. Pour modeler l’argile, les femmes utilisent l’envers d’un pot, et ce dernier leur sert de moule. Les décors sur les pots varient selon le type d‘outil ornemental utilisé. Quelques exemples: le Kaza pour multiplier les signes, le cinjkoroké pour niveler l’intérieur, le koolà pour faire apparaître une surface lisse.

Avant de les cuire, les pots doivent sécher durant 3 jours. Avant chaque cuisson, il faut procéder à des gestes symboliques. Le bois de karaté ou de néré que les femmes vont chercher, est placé par un enfant afin d’assurer pureté, innocence et bénédiction à la divinité protectrice. Et c’est à la plus vielle des potières du village qu’incombe la charge d’allumer le feu.
Une fois les pots cuits, ils sont retirés du feu avec une faucille rattachée à un bâton, et sont peints avec du rouge ou du noir à l’aide de balais.

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Préparation de la cuisson par les femmes et un enfant

Pendant ce temps, de leur coté, les hommes se regroupent eux aussi pour travailler le métal. Le travail d’artisan forgeron est plus divisé que le travail des femmes et chaque fondeur a sa spécialité. Malheureusement, parfois leur production artisanale ne suffit pas à les faire vivre, et ils sont à la fois forgerons, sculpteurs de bois et cultivateurs. Ces trois disciplines cohabitent dans un même quartier, dans un même lieu communautaire, dans un même atelier de forge.

Les forgerons sont d’une grande polyvalence. Ils fabriquent beaucoup d’outils agricoles et d’armes comme des couteaux, des poignards et des haches, mais aussi des bijoux, surtout des bagues, des bracelets et des pendentifs. Ils façonnent également des objets rituels, des figurines votives à représentations animales, particulièrement ceux qui font référence à la mythologie Sénoufo. Ces objets prennent alors la forme de petites statuettes anthropomorphes et hermaphrodites qui expriment la double force des artisans: le feu et la terre, ou bien de masques, fabriqués lors de cérémonies initiatiques.

Le travail de la forge n’est effectué que les lundis, les vendredis et les dimanches.
Aujourd’hui le cuivre est récupéré dans n’importe quels objets abandonnés comme des douilles de fusil ou des robinets. Actuellement, il ne subsiste que très peu de forgerons qui vont extraire le fer dans des puits. Seulement 50 artisans Sénoufos extraient encore le fer et le fondent dans des fourneaux. Ces forgerons utilisent la technique de la cire perdue. Les hommes placent dans les arbres des ruches cylindriques en vannerie afin de récupérer la cire du miel. La cire est ensuite exposée au soleil pour la rendre plus malléable. Ensuite, ils forment de longs fils qui seront enroulés en spirale. Contrairement à d’autres pratiques, le creuset est toujours soudé au moule chez les Sénoufos Pour tous les autres, ils achètent des lingots de fontes, dont la production est vendue sur les marchés.

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Bracelet cheville en bronze

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Figurines de musiciens en bronze

Elise.

 Iconographie et webographie :

DIETERLEN G., « Contribution à l’étude des forgerons en Afrique Occidentale », In:École pratique des hautes études, Section des sciences religieuses, annuaire 1965-1966, tome 73, 1964, p. 3-28 [en ligne] <http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ephe_0000-0002_1964_num_77_73_18185> (consulté le 11 avril 2014)

HOUIS M. et HOLAS B., « Sculpture sénoufo », In: L’Homme, 1966, vol. 6, n° 2, p. 127-129 [en ligne] <http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/hom_0439-4216_1966_num_6_2_366799>(consulté le 11 avril 2014)

Les bronzes africains de Côte d’Ivoire [en ligne] <http://www.african-concept.com/bronzes-cote-ivoire.html> (consulté le 11 avril 2014)

La poterie chez les Sénoufo [en ligne] <http://www.senoufo.com/le-monde-senoufo/34-senoufo/93-la-poterie-chez-les-senoufo?71abed97c733b14e007465c776bd3aff=3473b1025eee1e70514c6d3380b75bf6> (consulté le 11 avril 2014)

Production de textiles ivoiriens

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Toile de Korhogo, représentant masques, animaux et habitations

En Côte d’Ivoire, depuis toujours, le métier de tisserand est un artisanat prestigieux. Sa renommée est due à sa qualité esthétique, appréciée par les femmes africaines, qui aiment couvrir leur corps d’une pièce de tissu appelée pagne. Ce dernier est coupé en 3, pour qu’elles puissent vêtir le bas de leur corps sous forme de jupe, leur tête sous forme de coiffe, et leurs épaules sous forme de châle.

D’autre part, l’esthétisme des tissus africains est considéré dans le monde entier comme des œuvres d’arts. Les musées, les marchands et les artistes s’arrachent le travail de ces tisserands fabriquant de toiles. Dans chaque pays d’Afrique, et tout particulièrement en pays Sénoufo, cette technique traditionnelle ne cesse de renaître.
Il existe en Côte d’Ivoire, comme dans les autres pays africains, deux types d’impression sur tissus.
Les bogolans, sont fabriqués avec du coton ou de la laine de chameau, tissé et filé à la main. Cette fabrication donne des tissus épais. Le coton ou la laine est ensuite trempé dans une teinture végétale à base de feuilles pour obtenir un tissu de couleur beige, jaunâtre. Le bogolan doit être séché à l’air libre. Une fois sec, on applique de la boue sur le tissu. Il est remis à sécher et enfin lavé pour retirer les restes de boue. C’est une technique laborieuse qui demande patience et savoir-faire car elle est effectuée pour chaque couleur que l’on souhaite faire apparaître sur le tissu. On fabrique les bogolans en général pour les cérémonies de mariage. Ils sont fabriqués en Guinée, au Mali, au Burkina Faso et par les Sénoufos.

Le batik apparaît en Egypte, 2000 ans avant notre ère. Par la suite, cette technique s’est propagée sur le continent africain, à partir de l’Afrique de l’Ouest.
Pour confectionner un batik, on utilise de la cire. Les parties du tissu qu’on ne souhaite pas orner sont enduites de cire. Puis, le tout est baigné dans des teintures. A sa sortie, lorsqu’on enlève la cire, seules les parties non enduites de cire sont imprégnées de la couleur. Le procédé́ est répété́ plusieurs fois jusqu’au résultat souhaité.

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Batik fabriqué pour un mariage

La région de Korhogo, située au nord de la Côte d’Ivoire en territoire Sénoufo est réputée pour ses masques et ses toiles.

Les toiles de Korhogo sont d’essence sacrée, qui émane des traditions et des symboles culturels importants aux yeux des Sénoufo. Avant qu’un artiste ne confectionne sa toile, un féticheur doit lui transmettre les sujets qu’il va traiter sur la toile. Le peintre s’exécute après transmission du message, mais garde toute liberté de création sur le sujet. Cela donne un résultat toujours unique, même si nous retrouvons les mêmes symboles de toiles en toiles. Les toiles de Korhogo suivent la technique de fabrication des bogolans. Ainsi, les bandelettes de coton qui ont été filées et tissées mesurent environ 10 cm de largeur et sont accolées les unes aux autres.

Les motifs ornementaux sont peints à l’aide de bâtonnets de bois afin d’étendre sur la toile les pigments naturels, d’origines minérales ou végétales, à base d’indigo ou du kola. La dimension des toiles varie entre 45×45 cm et 200×150 cm. La principale couleur de la tapisserie traditionnelle de Korhogo est le noir, car les tisserands cherchent à faire ressortir de la toile le trait épais qui contourne les symboles dessinés. L’artisan travaille seul, à même le sol, au milieu de la place du village; il n’y a donc pas d’ateliers de tisserands.

La toile est chargée d’éléments codés. Elle est enrichie de motifs géométriques, en privilégiant les axes de symétrie, les pointillés, les courbes, les lignes droites continues ou discontinues, parallèles et perpendiculaires, ou horizontales et verticales. En Afrique, les végétaux et les animaux sont abondants, et les toiles en particulier sont ornées d’écailles, de carapaces, de pelages de guépard ou de zèbre. Elles peuvent aussi faire apparaître des personnages anthropomorphes dans des scènes de la vie quotidiennes ou dans des rites initiatiques avec des objets de tout genre.
Les dessins sont schématiques et représentent le fondement et non les détails.

Toutes les représentations sur les toiles varient selon l‘époque, le pays, le contexte culturel, social ou religieux, le destinataire et surtout selon la liberté de l’artiste.

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Toile de Korhogo, représentant une scène rituelle 

A quatre kilomètres de Korhogo, Waraniéré est un village de tisserands. Il est réputé pour sa production de toiles en coton. On leur attribue la source d’inspiration de Pablo Picasso dans les années 1930, lors d’un séjour dans la région.
C’est au village Fakaha, qu’on accorde la meilleure production de toiles de la région.

La technique du tissage nécessite la maitrise d’une savoir-faire, qui est transmis par les âgés aux nouveaux tisseurs. Il s’agit donc d’une technique artisanale et d’une expression personnelle car chaque artiste est unique en son genre.

Elise.

Webographie :

Les tisserands de Waraniéné [en ligne] <http://www.rezoivoire.net/cotedivoire/patrimoine/10/les-tisserands-de-waraniene.html#.Uz6MeHmaEfE> (consulté le 4 avril 2014)

Les motifs africains et leurs possibles [en ligne] <http://www.ien-bezons.ac-versailles.fr/IMG/pdf/Les_motifs_africains_et_leurs_possibles.pdf> (consulté le 4 avril 2014)

Iconographie :

Le batik africain et la toile Korhogo [en ligne] <http://www.african-concept.com/tissu-afrique.html> (consulté le 4 avril 2014)

 

La femme ivoirienne: mère, artiste et source d’inspiration

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 Photographie de Angèle Etoundi Essamba

Un grand programme de sauvegarde et de valorisation du patrimoine culturel ivoirien est réalisé dans des régions de Côte d’Ivoire par le biais de festivals et l’inventaire du patrimoine culturel. Un ouvrage disponible sur le net s’intègre parfaitement à ce projet de valorisation et de mise en lumière du patrimoine artistique de Côte d’Ivoire. Réalisé avec le soutient du Fonds des Nations unies pour la population en Côte d’Ivoire (UNFPA), Arts au féminin est publié aux éditions du Cherche Midi en 2009. Augustin Komoé KOUADIO, Ministre de la Culture et de la Francophonie, dans la préface d’Arts au féminin en Côte d’Ivoire, nous explique la visée de l’ouvrage: « Arts au féminin fait apparaître le rôle fondamental de la femme dans la société traditionnelle sous de multiples aspects : la femme porteuse de vie qui transparaît dans les cérémonies d’hommage à la nourrice, la femme éducatrice que l’on retrouve dans la cérémonie de la fille pubère et dans les différentes cérémonies d’initiation de la jeune fille (passage de l’âge pubère à l’âge adulte), mais également dans les différentes cérémonies de mariage. Ses capacités artistiques sont perceptibles dans les différentes formes d’art qu’elle exprime: filage, peinture, poterie, vannerie, danses, musiques. On la retrouve aussi magnifiée dans le regard que l’homme porte sur elle à travers la sculpture, le tissage, la bijouterie. »

« Toute femme naît artiste » lit-on dans l’ouvrage. Au fil du texte, on saisit l’importance de la femme dans la communauté artistique. C’est essentiellement par le biais de l’art que l’on décrypte les facettes de la femme ivoirienne. De ses dix doigts, elle parvient à modeler ce qu’elle souhaite en lui donnant une forme artistique. « Elle fait de son propre corps un objet d’art » : les coiffures, le tressage, le maquillage ou la couture font partie de leur vie quotidienne.

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Photographie de Angèle Etoundi Essamba

« Dans la société traditionnelle, la femme est à la fois artiste par son savoir faire et son savoir-être, mais elle est aussi modèle, source d’inspiration pour l’artiste« . En effet, en Côte d’Ivoire, la femme est teinturière, fileuse, potière, peintre et pratique aussi l’art de la vannerie. En ce sens, elle est une femme-artisan, une artiste capable de créer le beau dans l’utile.

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Photographie de Angèle Etoundi Essamba

Plus loin, nous lisons dans Arts au féminin, qu’elle « maîtrise aussi l’art de la parole et de la divination : conteuse, elle l’est ; prêtresse, elle excelle« . Elle est aussi musicienne, chanteuse et danseuse: elle fait vivre la communauté, l’enveloppe dans une harmonie particulière, entre chaleur et épanouissement. En ce sens, « elle incarne la beauté, la mariée, la maternité« . La figure féminine a aussi inspiré nombre d’artistes, et donné naissance à différentes formes artistiques. En effet, on la retrouve sur des statues, des masques ou des objets.

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Affiche de l’exposition « Femmes dans les arts d’Afrique »- Musée Dapper

Ainsi, pour rebondir sur la représentation de la femme dans les arts, j’aimerais combiner mon article avec une exposition du Musée Dapper, présentée au public entre octobre 2008 et juillet 2009, intitulée « Femmes dans les arts d’Afrique« . Dans le communiqué de presse, on comprend que l’éditorial de l’exposition souhaite confronter les approches des artistes et interroger les pièces présentées: que disent ces objets? Et de quelles femmes parlent-ils?

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Photographie de Angèle Etoundi Essamba

Le corps féminin inspire et sollicite les sculpteurs travaillant pour la communauté à laquelle ils appartiennent: il est à la fois symbole et repère actuel. Les formes des statuettes sont évocatrices de féminité, de sensualité, de désir et de fécondité. Les figures de ces mêmes statuettes sont isolées, portent un enfant et expriment les rôles endossés par la Femme: l’épouse, la génitrice ou la mère. On retrouvent souvent cet aspect hiératique qui rappelle les figures de l’art de l’Egypte ancienne.

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Couple baoulé de Côte d’Ivoire 

Les objets sont généralement réalisés par des hommes, pour des pratiques et des rites dont ils ont souvent seuls la responsabilité. Des objets transmettent des pensées, des informations, des idées qui touchent à la fois la sensibilité, l’esthétique et les fonctions occupées par les femmes au sein de la communauté. Elles sont ainsi, comme l’évoquent certains objets, au cœur de la vie politique, sociale, économique et religieuse, et ces objets sont les témoins de leur statut. Or, le statut de la femme est à la fois ambigu et confiné: possibilité ou impossibilité de participer à la sphère communautaire qui réunit les membres du clan? Confinement à l’espace privé, celui de la famille? Quelles sont leurs relations avec les hommes? En interrogeant les objets, objets qui mettent en scène des femmes dans la vie de tous les jours, c’est découvrir qui elles sont, ce qu’elles font et ce que le monde moderne peut provoquer au sein des pratiques « traditionnelles » toujours actuelles, comme la mutilation génitale par exemple. Ces objets questionnent ainsi les pratiques, les traditions et les perceptions de l’Autre, mais, dans un musée, ils interrogent également son regardeur, le monde moderne et la perception européenne de l’Afrique.

Dossier de presse

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Statuette nkisi – Bois, fer, fibres, matières composites, pigments et verre

Les femmes sont particulièrement valorisées par les arts africains: diversité et variations sont sans doute les mots d’ordre. Les représentations féminines traduisent la dispersion plurielle des conditions et des statuts de plus aux femmes. Les œuvres subliment avec une grande beauté la grossesse et la maternité, moment phare de cycle la vie, et révèlent le vécu des femmes par l’ornementation des objets et leur gestuelle.

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Photographie de Angèle Etoundi Essamba

La fillette, des l’enfance, est conditionnée à l’univers féminin par les femmes du clan: elle est initiée aux tâches domestiques et préparée à sa future vie d’épouse et de mère. Avec la puberté, la fillette devenue jeune fille entre dans une phase nouvelle et va devoir affronter de nouvelles expériences. L’exposition « Femmes dans les arts d’Afrique », met l’accent sur les différents cycles de la vie, du tout jeune âge à celui de la maturité, stades que les femmes doivent franchir tout au long de leur vie. Par exemple, l’apparition du sang menstruel matérialise « l’irruption de l’impureté » et l’accès à la fécondité. Des rites accompagnent les jeunes femmes, selon les cultures, comme l’excision ou l’infibulation par exemple. Ce corps mutile, abimé et meurtri ne retient pas l’attention des sculpteurs, qui le représentent magnifié et idéalisé: les courbes sont harmonieuses, les seins et le vente bombés, parfois scarifiés par des traits striés et géométriques. Parfois, comme on le lit sur les objets, des motifs ont été incisés dans la chair des femmes pendant la ouverte, ou encore ajoutés ultérieurement pour favoriser la grossesse et protéger la naissance. Ces marques visibles sur le corps des femmes, cet art corporel, ce dessin de la peau sont partie intégrante de canons de beauté, et participent à la séduction érotique.

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Blo-Blo, épouse de l’au-delà, statue polychrome 

La procréation et la maternité sont les thèmes phares des représentations féminines africaines: la procréation est implicitement idéalisée quand la maternité est profondément magnifiée. On retrouve pourtant peu de représentations de l’accouchement. La position de parturiente, accroupie et jambes écartées a inspiré nombre d’artistes. La « femme avec l’enfant », féconde et nourricière est une figure idéale: la progéniture de la femme est une richesse pour l’ensemble du groupe. Chez les Sénoufos par exemple, où la femme est considérée comme la gardienne de la mémoire et des valeurs de la communauté, elle est pleinement magnifiée.

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Bois et pigments – H.: 85 cm
Collectée en 1897-1898 par Gustav Conrau

Or, on peut dire que ces rôles de génitrice et de mère sont si profondément valorisés dans la société, que la femme reste conditionnée, confinée et enfermée dans ces rôles auxquels elle ne peut échapper. Les petites filles possèdent par exemple des poupées, qui, à l’adolescence, sont remplacées par des figurines, précieusement conservées. Ce type d’objet a pour unique fonction de favoriser la fécondité. Univers féminin et masculins sont ainsi pour le moins séparés et définis. La différenciation sexuelle s’accompagne aussi de codes qui réglementent la vie des individus. Or, il serait hasardeux de confiner la femme à la seule sphère familiale, bien que dans la plupart des cas, cette situation prévale: les femmes ont exercé, et parfois exercent toujours, les pouvoirs politique et spirituels, souvent liés. Ainsi, avant le XVIIe siècle, des têtes en terre cuite ont été façonnés dans le royaume akan par des potières: ces têtes évoquent des visages d’ancêtres féminins qui laissé leur nom aux lignages de ce royaume.

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Ancienne statue africaine, fétiche de femme enceinte, Attié

Il faut savoir qu’avec la maturité et la ménopause, signifiant la disparition de l’impureté du corps, la femme peut enfin s’inscrire dans la sphère de l’autorité, de la décision et du pouvoir, pourtant réservée aux hommes. Ainsi, elle accède à la parole, au pouvoir et à ses attributs. On retrouve aussi des représentations féminines dans l’art funéraire, de qui témoigne de son statut d’ancêtre.

Le monde moderne, et ses avancées, permet aux femmes un accès au savoir, au pouvoir, et fait reculer les traditionnelles pratiques qui les mettent dans une position de victime. Aujourd’hui, des nouveaux médias s’emparent du corps de la femme, et le magnifient sous un autre jour, comme la plasticienne et photographe d’origine africaine Angèle Etoundi Essamba qui utilise la photographie argentique en noir et blanc pour offrir un nouveau regard sur la femme africaine.

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Juliette.

Webographie :

DELANNE P., Arts au féminin en Côte d’Ivoire, éditions Le Cherche midi, 2009 [en ligne] <http://www.fatom.org/telecharger.php?Fichier_a_telecharger=arts_au_feminin.pdf&chemin=pdf> (consulté le 5 avril 2014)

FALGAYRETTES-LEVEAU C.,  Femmes dans les Arts d’Afrique : dossier de presse, 2008-2009 [en ligne] <http://www.dapper.fr/docs/DDP-Femmes.pdf> (consulté le 5 avril 2014)

Exposition : femmes dans les arts d’Afrique [en ligne] <http://www.dapper.fr/exposition-archive.php?id=23> (consulté le 5 avril 2014)

Iconothèque :

Essamba art [en ligne] <http://essamba.com/index.php/art-prints> (consulté le 5 avril 2014)